Qu’entend-on par plainte chronique ?
La plainte chronique est caractérisée par une incapacité à vivre dans le présent et à se satisfaire de celui-ci. En effet, pour les personnes qui en sont affectées, le décalage entre leur projection d’une situation et la réalité de celle-ci est source d’une insatisfaction qui rend le quotidien décevant. Ce discours plaintif, avec le temps, finit par devenir une habitude, une manière de s’adresser à soi-même et aux autres. L’entourage finit bien souvent par prendre ses distances, et un sentiment de solitude peut être éprouvé de manière accrue.
Les types de plainte : du discours au corps
Cette plainte peut porter sur des éléments anecdotiques du quotidien, mais elle peut également concerner le rapport d’un être avec lui-même. C’est le cas de personnes qui se plaignent constamment d’être fatiguées par exemple, ou d’avoir mal au dos, ou à la tête.
Lorsque c’est le cas, une partie de ces personnes adressent leur plainte au corps médical. Les médecins, lorsqu’ils accueillent cette plainte, engagent le plus souvent une série d’examens qui permettent d’orienter et d’affiner l’étiologie des symptômes exposés. Mais lorsque l’ensemble de ces investigations médicales conduit finalement à une absence de diagnostic, la plupart de ces professionnels se trouvent embarrassés. Ils reconnaissent la dimension psychique à l’œuvre, certains l’évoquent avec le patient, mais à défaut d’une clinique du partenariat pensée et construite en amont, ils se trouvent en difficulté pour orienter celui-ci vers le bon interlocuteur : le psychothérapeute ou le psychanalyste.
Cette clinique du partenariat permet pourtant d’accompagner le patient au plus près des problématiques qu’il rencontre, en vue de leurs résolutions. Cette manière de travailler exige de chaque professionnel une connaissance et une acceptation de son champ de compétence, ainsi que de celui des autres. Dans cette perspective, l’un n’exclut pas l’autre, bien au contraire : les différents spécialistes travaillent en complémentarité.
Plainte chronique : du corps au discours
Car la plainte comporte une raison d’être, que ce soit pour signifier un dysfonctionnement d’organe, un déséquilibre corporel, ou une souffrance psychique. Et d’un point de vue psychique, le symptôme – ici la plainte – peut être appréhendé comme une expression, mais aussi un voile, de sa traduction psychique inconsciente. Son déchiffrage peut parfois demander du temps. En réalité, il s’agit simplement du temps nécessaire à ce que sa lecture puisse être assimilée sans que l’appareil psychique s’en trouve débordé. En effet, une personne habituée depuis des années à fonctionner dans la plainte d’un certain nombre de symptômes, qu’ils soient psychiques et/ou corporels, peut soudainement éprouver un vide intense si l’objet de sa plainte vient à disparaître trop brusquement. Ce vide peut être très angoissant, et plonger celui qui l’éprouve dans une perte critique de sens, de support, de consistance.
C’est pourquoi le projet psychothérapeutique ou psychanalytique consiste davantage en une approche progressive qui permet à l’être de construire son existence, en se détachant de la nécessité de l’articuler à partir ou autour d’un symptôme tel que la plainte. Car finalement, lorsque celui-ci perd sa fonction dans l’économie psychique d’un être, il chute de lui-même.
Chloé Blachère
Psychothérapie et psychanalyse à Paris 18è