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L’indication clinique selon laquelle les séances manquées sont dues suscitent des réactions d’une grande diversité.
En effet lorsqu’un patient ne peut pas venir en séance, qu’il part en vacances, qu’il a oublié de venir, qu’il s’est trompé d’horaire, et que le clinicien, parce qu’il est à son poste, l’invite à régler les séances manquées, il ne s’agit ni de sadisme ni d’intérêt personnel de sa part pour grapiller quelques euros supplémentaires. C’est là pourtant certains des fantasmes les plus communément véhiculés à son propos. Cependant, si un être ne s’y arrête pas mais les met au travail de ses associations libres de pensées en séance, ces fantasmes peuvent être une occasion pour lui d’être plus intime de ce qui l’anime inconsciemment, de ses projections, ses constructions imaginaires, ses rancœurs, ses déceptions, le sentiment d’injustice qu’il éprouve, bref, tout ce qu’il cherche à tenir éloigné de lui et qui pourtant est en lien avec la souffrance qui l’a conduit à consulter.


Quelles sont les réactions les plus courantes et pourquoi cette indication est-elle clinique ?

Pour certains, cette indication tombe comme une évidence et ne pose pas de difficulté. Au contraire, elle contribue même à accélérer certaines élaborations et favorise l’avancée de la psychothérapie ou de la psychanalyse.



Pour d’autres, elle peut apparaître d’abord comme non comprise, mais du fait de la confiance qui est accordée à la personne qui conduit la cure (c’est-à-dire de la psychothérapie ou de la psychanalyse), elle est acceptée. Dans ce cas, le sens clinique qu’une telle indication sous-tend ne tarde généralement pas à se dévoiler, d’une manière singulière, venant marquer une étape importante dans le travail psychothérapeutique ou psychanalytique.



D’autres encore la refusent, tout en continuant leur psychothérapie ou leur psychanalyse auprès du même clinicien. Si un tel positionnement indique un nœud dans la cure et donc dans l’organisation psychique inconsciente du patient ou du psychanalysant, le point important est ici que celui-ci ne profite pas de son incompréhension ou de la colère qu’il a pu éprouver pour abandonner sa cure. De son côté, le clinicien continue à recevoir le patient ou le psychanalysant et à l’inviter d’associer librement ses pensées en séance, et ce parce qu’il s’agit d’une indication clinique, et non d’un ordre répondant à une logique comptable.



Quelques-uns, enfin, s’insurgent d’une telle indication, arguant qu’il s’agit là d’un abus de la part du clinicien ou d’un fonctionnement rigide. Pourtant il ne s’agit ni de l’un ni de l’autre. Une indication est clinique parce qu’elle est au service de l’avancée de la cure du patient ou du psychanalysant, et non pour servir ou arranger le clinicien. C’est d’ailleurs parce qu’elle soulève régulièrement de la colère ou même de la haine que bon nombre de cliniciens l’ont abandonné. Pourtant elle constitue un outil thérapeutique important, la marque symbolique d’un engagement réel et assumé du patient ou du psychanalysant avec lui-même et avec son désir.



Ainsi lorsque cette indication éveille colère ou haine, il importante que celle-ci puisse être parlée en séance et associée librement. Lorsque le patient ou le psychanalysant accepte de le faire, il témoigne bien souvent lui-même, une fois la tempête passée, d’un apaisement, apaisement qui vient marquer une nouvelle avancée dans sa cure. Associer librement la haine et la colère pouvant être éveillées par cette indication clinique permet par ailleurs de la formuler avec des mots, et non de l’agir – que cela soit conscient ou non – d’une manière psychique (sous forme d’auto-dévalorisation, de culpabilité, d’auto-reproches, d’auto-sabotage, etc.), corporelle (c’est-à-dire au travers de symptômes qui touchent le corps) ou organique (à travers une maladie qui touche un ou plusieurs organes).
D’autre part, avec le règlement des séances manquées, le lien psychothérapeutique est maintenu et par là-même, le désir qui pousse l’être à régler sans plus attendre ce qui le fait souffrir.



Le manque, symbolique, qu’une telle indication introduit est un passage d’une grande richesse dans l’avancée d’une cure et l’apaisement des souffrances qui ont conduits une personne à consulter. Que l’être se reconnaisse manquant, opération que vient, entre autres, symboliser le règlement des séances manquées, permet à un être de grandir et de construire son existence d’une manière respectueuse de lui-même, respectueuse de l’autre, et d’une manière qui lui soit satisfaisante, sans esquiver l’effort qu’une telle construction implique et sans faire porter à un autre la responsabilité de ses souffrances.


Chloé Blachère
Psychothérapie et psychanalyse à Paris 18è