Commencer une psychothérapie pour guérir : leurre ou solution ?
Il n’est pas rare qu’un personne entreprenne une psychothérapie ou une psychanalyse devant le constat d’une souffrance qui se répète, et une incapacité à emprunter d’autres voies que celles qui mènent à cette souffrance. « C’est plus fort que moi », « je n’arrive pas à faire autrement », « je ne sais pas pourquoi je vais mal, tout va pourtant bien dans ma vie ». Cette plainte, avec laquelle certaines personnes arrivent dans le cabinet de consultation, constitue en fait un symptôme. Celui-ci va servir de porte d’entrée à l’exploration de processus inconscients, et donc non connus ou non reconnus jusqu’ici. S’engager dans une psychothérapie ou une psychanalyse signifie donc se mettre à l’écoute de ce que l’on ne sait pas sur soi-même, sur ses résistances, comprenant les résistances à ne plus souffrir ou à guérir.
La méthode psychanalytique
La psychanalyse travaille avec la part qui, en nous, est la plus méconnue mais qui a pourtant une incidence considérable sur la manière dont nous menons notre vie et sur les choix que nous faisons. Il s’agit de l’inconscient. Ce que propose la psychanalyse est donc d’approcher au plus près des processus inconscients et de les écouter, notamment au moyen de l’association libre auquel consent le patient (celui qui est en psychothérapie) ou le psychanalysant (celui qui est en psychanalyse). Le respect de cette indication (« parler librement ses pensées ») est parfois difficile à respecter, mais place le patient ou le psychanalysant comme acteur de sa démarche et de sa progression. Dès lors, il ne vient plus pour être guéri par l’autre mais participe activement, par ses associations libres et sa présence aux séances, à son traitement.
Ce qui est refoulé dans l’inconscient, c’est ce qu’une personne refuse de savoir sur elle-même. Non reconnues comme lui appartenant, ces représentations désagréables sont projetées sur les autres ou sur le monde environnant. Les identifier permet qu’elles trouvent progressivement place dans la vie psychique de celui à qui elles appartiennent et constitue donc un premier pas vers un changement possible.
Guérison d’un symptôme ou changement en profondeur ?
Si la médecine s’intéresse à la disparition des symptômes, la psychanalyse, elle, est à l’écoute de leur origine, de ce qui a conduit à leur apparition.
La guérison médicale est souvent définie comme constituant un retour ou une tentative de retour à l’état antérieur, celui d’avant la maladie. Dans la psychanalyse, rien de tel puisqu’elle vise une transformation de l’être comprenant toutes les composantes de sa singularité, impliquant donc un mouvement vers l’avant et non un retour vers un état passé.
Remarquons par ailleurs que la bonne santé, d’un point de vue psychique, est en sentiment subjectif dont seul le patient ou le psychanalysant peut témoigner. Alors plutôt que la guérison à tout prix, la psychanalyse vise une véritable transformation qui permet à celui qui s’y prête de sortir d’une spirale d’échecs en répétition, de conflits permanents, de peurs, de souffrance, ou d’illusions qui le tiennent à distance de sa vie. Une psychanalyse produit des effets en profondeur et vient modifier le regard du psychanalysant sur sa souffrance, sur lui-même et sur les autres.
Au cours du travail, il se heurte à certains avantages inconscients, non identifiés comme tels, à ne pas guérir, comme par exemple l’attention de l’entourage en raison d’une souffrance identifié, ou une certaine place sociale.
Pour conclure
S’il n’est pas rare de constater la disparition de symptômes au cours d’une psychothérapie ou d’une psychanalyse, Lacan [1] soulignait que la guérison vient « de surcroit », n’étant pas le but premier d’une psychanalyse. Car en effet, celle-ci s’intéresse davantage au désir voilé par le symptôme. Elle donne dès lors la possibilité d’aller vers le plus insu en soi et de ne plus vivre « passivement » son existence mais d’en être acteur, et avec enthousiasme.
Le passage en psychanalyse n’a de sens qu’à être limité dans le temps : une fois traversée, le sujet peut poursuivre sa vie sans psychanalyste, en étant responsable de ses choix, des décisions qu’il prend, de la vie qu’il construit, notamment de ses contradictions. C’est dans ce sens que Lacan [2] affirmait qu’ « Une analyse n’a pas a être poussée trop loin. Quand l’analysant pense qu’il est heureux de vivre, c’est assez. »
Chloé Blachère
Psychothérapeute à Paris 18e et Paris 9e
[1] « Le rendez-vous chez le psychanalyste », La psychanalyse, 1958, n° 4, pp. 305-314.
[2] Lacan. Universités nord-américaines. Paru dans Scilicet n° 6/7, 1975, pp. 7-31, sous le titre : « Yale University, Kanzer Seminar ».